Vendredi dernier, temps maussade, envie de faire un tour et me changer les idées, je pars en quête de certaines choses avant la fin des soldes, un peu de shopping.
Première boutique, monde fou, je fais le tour comme un robot, rien ne me fait envie, je n’ai pas envie de chercher, de pousser du monde, je ressors, chou blanc, je soupire.
Je me rappelle que la veille, déjà, j’avais arpenté le centre-ville pendant ma pause déjeuner pour rien, revenue bredouille après pourtant 5 magasins. Il fait de plus en plus sombre, une averse va sans aucun doute se manifester sous peu, la motivation, somme toute légère, est plus qu’en train de s’estomper.
A vrai dire, je me demande où il est, l’élan enjoué qui m’a fait dire à mes collègues que je n’irai pas déjeuner avec eux.
Les premières gouttes commencent à tomber, j’erre dans les rues commerçantes sans que rien n’accroche mon regard, alors je marche, même aller me chercher à manger me plonge dans des réflexions intenses (sandwich ou salade ?), décidément un peu de simplicité ne serait pas superflue.
Finalement j’arrive devant la boutique Ekyog, et j’hésite. Pourtant il pleut de plus en plus et je n’ai toujours pas sorti mon parapluie (qui lui est bien au chaud et au sec dans mon sac) (logique, quand tu nous tiens).
En fait, je ne sais pas trop bien pourquoi à vrai dire, Ekyog c’est un peu une boutique qui m’impressionne : outre le fait que leurs prix ne sont pas, de base, dans la fourchette que je suis prête à mettre dans des vêtements, dans ma tête, je me suis toujours dit qu’il n’y aurait rien pour moi, la petite ronde qui a bien du mal à s’habiller, à connaître ce qui lui va, à prendre du temps pour elle, à se trouver jolie, et surtout qui ne se sent en sécurité qu’avec son jean, son T-shirt dégoulinant et ses baskets.
Surtout ne pas se faire remarquer, être la plus transparente, au moins personne ne m’embête (en fait ça marche pas, je vous le dis de suite) (je ris trop fort pour ça).
Dans la vitrine, une robe jaune et blanche, très jolie au demeurant, mais tout à fait le genre de truc que je ne me vois pas du tout porter, et puis une silhouette avec du corail, un jean blanc (j’admire sincèrement les gens qui portent du blanc, et encore plus en jean) et une jolie veste bleue, c’est frais et printanier, moi j’ai froid et je me trempe, c’est pas pour moi, mais bon on sait jamais, dès fois que sur un malentendu il y aurait un truc vraiment bien soldé, il y a -15% en plus si ça se trouve il y aura des choses dans mon budget, ma grande t’es débile ce n’est pas un magasin pour toi, oui mais j’ai rien de mieux à faire, bon ben je rentre, pas convaincue, peut être même battue d’avance.
En rentrant, je regarde les portants, je vois des couleurs partout alors que dans ma penderie il n’y a que du gris, du bleu, du brun, du noir et autres neutres qui se fondent dans le paysage, je regarde les débardeurs un peu par automatisme et parce que c’est devant moi, dans ma tête il y a un énorme « SORS DE LA, TU N’ES PAS A TA PLACE ! », il y a une vendeuse qui s’approche, j’ai à peine fait 2 pas dans la boutique que déjà je me dirige vers la sortie.
J’entends « Vous avez besoin d’aide, je peux vous conseiller peut être ? » et machinalement j’ai commencé par dire « non », à quoi bon puisque je ne suis pas à ma place ici (ça je l’ai pensé mais je l’ai gardé pour moi), « je regarde juste », et puis, pour changer, je l’ai regardée cette vendeuse, cette dame blonde aux cheveux mi-longs, avec ses grandes lunettes camel de type aviateur, son débardeur bronze alors qu’il fait 17°C dehors et son grand sourire, dans ma tête (oui, il s’en passe beaucoup des choses dans ma tête) un petit « regarde, elle a l’air gentille, elle, peut être que pour une fois tu pourrais essayer de demander de l’aide, un conseil ? » (DEMANDER DE L’AIDE ???).
Alors je lui ai souri à cette dame, je lui ai dit que c’était la première fois que je venais dans une boutique Ekyog, que ça m’impressionnait un peu parce que de toute façon je ne croyais pas qu’ils aient ma taille ou même que les choses allaient être à un prix décent pour moi, que de toute façon je ne savais pas ce qui m’allait (elle devait s’en douter à ma dégaine), mais que si elle avait des choses à proposer, qui me sortent de mes neutres et de leur grisaille, ça pourrait être bien, ça me plairait.
La dame a souri encore plus grand, moi j’avais les yeux un peu mouillus (je sais que ça n’existe pas, j’aime bien quand même) parce que ça me fait quelque chose quand les gens me sourient à moi la-fille-transparente-qui-ne-veut-pas-déranger, et puis elle m’a fait parler de ce que j’aime, de ce que je porte, de mon contexte de travail, de tout plein de choses sans me mettre mal à l’aise.
Je me suis sentie écoutée, peut être même comprise, sans doute même, la dame elle m’a montré des choses, avant même que je parle elle voyait si ça me plaisait ou pas, et puis je suis partie en cabine avec plein, plein de choses à essayer, du blanc, du corail, du bleu, du noir, des robes, des vestes, un pantalon, plein de hauts.
On a commencé par les robes, j’étais pas épilée et je portais des chaussettes rayées ce jour là, j’ai confessé un peu nerveusement, la dame elle m’a dit qu’on s’en foutait, ça ne m’empêcherait pas d’être jolie dans la robe, j’ai quand même enlevé mes chaussettes parce que ça faisait vraiment pas terrible sur mes jambes courtes et potelées (et velues donc) et puis je suis sortie de la cabine, moi qui d’habitude ne sort que sous la contrainte (genre l’alarme incendie), on en a parlé, j’étais pas convaincue par la coupe, elle n’était pas convaincue par la couleur qui n’était pas moi, je suis re-rentrée dans la cabine et j’ai continué mes essayages, elle m’a donné des conseils pour dérider certaines choses et me les approprier, elle devait partir en pause et puis en fait elle a dit à sa collègue « ah non mais j’irai plus tard ou j’irai pas, là je m’éclate avec la petite, on fait des looks, il y a du potentiel, non non plus tard », j’ai donc découvert que j’ai du potentiel, et puis j’ai appris à aimer des trucs, je me suis sentie bien dans la blouse bleue (tiens donc) et puis dans la veste noire aussi, moi qui croyais qu’avec une veste j’aurais l’air d’un joueur de football américain.
Et puis il a fallu faire un tri dans toutes les choses essayées, regarder les prix, faire des choix, j’ai embarqué un pantalon mais je ne suis pas pleinement convaincue (= c’est pas un vrai jean, c’est un pantalon coupe jean alors ça me perturbe), je vais encore y regarder et puis sinon je le ramène, j’ai pris d’autres choses aussi, beaucoup de neutres, mais des neutres plus rigolos que mes neutres à moi, j’ai dépensé beaucoup plus que ce que j’avais prévu (en même temps, à la base, je cherchais juste un soutien-gorge de sport…) (on est d’accord, j’étais pas au bon endroit pour ça), mais en repartant avec mon gros sac, j’avais aussi pris un peu du sourire de la dame pour le mettre sur mes lèvres à moi, j’étais un peu plus mieux qu’en arrivant, peut être que découvrir qu’on a du potentiel, que quelqu’un trouve qu’on est femme alors que ces kilos en trop qui s’accumulent sans que l’on comprenne trop pourquoi ou presque et qui minent le moral mine de rien, ça change tout, je sais pas.
La prochaine fois, peut être que j’hésiterai moins à pousser la porte d’une boutique et à demander conseil.
En tout cas, si jamais je passe par Bordeaux, j’irai faire un tour à la boutique Ekyog parce que la dame elle était de cette boutique là en fait (et pourtant j’ai bien fait mon shopping à Toulouse) (la connexion entre bordelais c’est un truc terrible) et que comme on accrochait bien toutes les deux, on a dit qu’on irait boire un verre ensemble et blaguer un peu.
Une journée shopping pas ordinaire, sourire aux lèvres, cœur reconnaissant et bras chargés.
C’était chouette.
Bonne journée !
Quelle jolie manière de raconter cette journée de shopping peu ordinaire en effet! Cela m’a mis à moi aussi le sourire aux lèvres 🙂 Merci!
Oh merci Natasha, ton commentaire me fait très plaisir : je suis tellement contente d’avoir pu insuffler un sourire ! Belle soirée à toi, merci encore !
Oh que ça fait tout chaud au coeur de lire ça !
C’est une merveilleuse expérience shopping et humaine, qui ne m’arrive pas souvent, mais quand cela m’arrive, de trouver une vendeuse avec qui tu as ce genre de feeling, j’adore.
(Et en général je dépense 10 fois plus que prévu, mais je ne regrette peut-être qu’une pièce, et encore)
Une comme ça, te console de toutes les connasses anorexiques qui ne servent qu’à ouvrir et fermer les rideaux des cabines d’essayage ou à mentir genre « ça vous va à ravir » alors que t’as l’air d’un boudin albinos, et qui te donnent envie de rentrer pleurer dans ton coin d’un simple regard méprisant.
Je suis RAVIE pour toi !!
Merci Madame Patate pour ce gentil commentaire, c’est à ton tour de me mettre du baume au cœur !
En effet, c’est une très jolie expérience humaine, si touchante ! Je fais très rarement les magasins, sans doute un peu par pudeur, alors j’ai très peu l’occasion de me confronter aux vendeuses.
Je suis très contente d’avoir un peu laissé mes barrières de côté, c’était vraiment plaisant.
Merci pour ta gentillesse, à bientôt !
Joli article ! Mais dis-moi, essayer des vêtements en ayant pris la pluie avant, ce n’était pas désagréable au départ ?
Merci pour tes compliments M !
Comme j’ai essayé en premier des choses amples, je n’ai pas eu de désagrément avec le fait d’avoir pris la pluie. Mais sans doute que si j’avais essayé un slim ou quelque chose d’ajusté dès mon entrée ça aurait pu être pénible.
Alors que là, pas du tout, un vrai plaisir dès le départ !
Quelle jolie histoire, Mnêmo!
Ah là là, je partage tellement ce sentiment si bien décrit, celui du « sors de cette boutique tout de suite andouille, ce n’est pas chez toi »…
Merci de décrire toute cette aventure avec subtilité et délicatesse. Merci de te livrer ainsi, ce n’est pas évident, et tu le fais avec une simplicité, dans l’esprit et dans le style, pleine de charme.
Ekyog, c’est drôle…moi, cela remonte à quelques années, je suis totalement addict. Lorsque j’étais étudiante, je ne pouvais rien m’offrir de chez eux, mais avec tout le regret du monde, parce que leurs pièces sont magnifiques, et qu’elle répondent à une exigence de confection qui me plaît. J’ai grandi, et je n’en suis pas moins accro. Alors maintenant, j’économise, et je préfère m’offrir un seul pull Ekyog pour l’hiver plutôt que 2 ou 3 chez Zara ou autre, parce que je sais qu’il sera vraiment chaud, qu’il ne bougera pas au fur et à mesure des lavages et des années (véridique), qu’il sera parfait sur moi, et qu’il a été fait selon une charte à laquelle je suis sensible.
Moi je vais à la boutique de Nantes, ce n’est pas ta vendeuse, mais une autre qui est adorable aussi (cela doit être dans les termes du contrat, je ne sais pas, mais la mienne aussi elle est prête à renier sa pause, une fois elle est même partie en réserve chercher une robe qu’elle s’était réservée pour elle pour moi (je cherchais une robe de lendemain de mon mariage, donc c’est vrai que c’était spécial, mais quand même.) )
Ta ceinture, j’ai la même! Je l’aime bien… Les autres pièces, je vois à peu près desquelles il s’agit (je suis accro je te dis), et j’approuve mille fois ton choix!
Moi je veux bien faire du shopping avec toi, tu sais.
D’une part, je veux bien essayer des robes avec toi en gardant mes chaussettes, parce que je le fais souvent, de même que des T-shirts sans soutien-gorge dessous ou avec un noir pas beau qu’on voit que lui, je suis spécialiste.
Et puis, moi aussi je trouve souvent que je n’ai l’air de rien dans des vêtements dont j’aimerais bien qu’ils tombent sur moi comme sur le mannequin, sauf que, non, ça ne fait jamais pareil.
Enfin, moi aussi, j’aime bien aller boire un café (ou plutôt un thé), et je regarde le sac des trésors que j’ai trouvés avec circonspection, avec plaisir, avec culpabilité des fois, avec contentement d’autre fois, l’œil amusé par cette sensation de l’achat dont je ne suis finalement pas si coutumière.
Merci de ce bel article, et sois heureuse et fière de tes achats, tu peux, et je suis sûre que tu es canon avec.
Ah Cél, tes commentaires et tes mots sont à chaque fois un rayon de soleil pour mon petit cœur et une source de bonheur immense, comme tu est gentille !
J’ai essayé de trouver des mots pour retranscrire mon ressenti, je suis contente d’avoir pu partager cela. Je n’ai pas ton maniement de la langue (qu’est-ce qu’on perd en fluidité quand on quitte les études !), heureusement que mon petit blog me donne l’occasion de pratiquer et de jouer avec les mots.
Oh oui leurs vêtements sont magnifiques chez Ekyog, et je partage ton avis concernant les méthodes de confection, c’est une très belle éthique qui me plait aussi. J’ai entendu parler de cette marque chez Coline, et puis comme je le disais, les prix ne sont pas vraiment dans la fourchette de ce que je dépense pour des vêtements, mais là c’était l’occasion avec les soldes et la réduction supplémentaire. Avec tes éloges, j’ai hâte de les voir vieillir ces articles (la vendeuse me disait que le pantalon allait se mouler à ma morphologie pour être encore plus chouette, si ça c’est par un argument terrible, je ne sais ce que c’est !).
Et puis je ne pensais pas trouver des choses qui m’aillent si bien, dans lesquelles je me trouve bien : la veste par exemple, je n’aurais pas parié un kopeck dessus, et en fait, en l’enfilant, c’était presque une évidence !
Ta vendeuse est super mignonne aussi, quelle belle attention ! Avec ta sensibilité, tu as du être extrêmement touchée et reconnaissante, c’est un très beau geste. :love:
Oh et tu es mignonne, oui, un jour on ira faire du shopping ensemble, avec plaisir, et puis on ira boire un bon petit thé et papoter de notre périple, toutes étonnées de nos trouvailles…
Je ne sais pas si je suis canon avec, mais effectivement, j’en suis heureuse, je me sens différente, moins cachée, plus moi sans être trop « à nu », c’est très nouveau pour moi cette sensation.
Merci encore pour tes passages ici, je les lis toujours avec attention, de vrais délices !
Han, suuuuper cet article ma copine 🙂
Ca donne du baume au coeur et ça nous fait croire en les belles choses de la vie, de la vie de femme complexée, de la femme comprise !!!
Belle leçon !
Merci pour cet article !
Merci copine pour ce commentaire enthousiaste !
Oh que oui ça donne du baume au cœur, je suis contente si j’ai pu t’en donner aussi. :love:
Bisous copine, à bientôt !
Wouah, c’est génial !
J’adore ces moments, où on hésite entre la défense et l’ouverture, on ne sait trop pourquoi on opte pour l’ouverture, et des trucs géniaux se passent ensuite…
Bisous !
Oui c’est vrai que ce sont un peu des moments de flottement qui finalement font beaucoup de bien quand on laisse l’ouverture faire effet (et le sourire aussi, le sourire !)
Bisous 🙂