Quand j’ai commencé à prendre des cours de peinture, il y a quelques 20 ans de cela, j’avais une idée bien arrêtée de ce qu’était un artiste, enfin surtout un peintre.
Un peintre, un vrai, c’était quelqu’un qui peignait du figuratif. L’abstrait n’avait pas ma considération, ce n’était pas de la « vraie » peinture.
Seuls les peintres classiques (et la peinture à l’huile !) avaient grâce à mes yeux. Je voulais être comme eux, être capable avec quelques couches de couleur de rendre compte de la réalité aussi fidèlement qu’une photographie.
Alors je tendais vers ça, vers cette perfection qui demande des heures et des heures de pratique, d’études, d’échecs. Et puis de la patience et de la précision.
Mais cela je ne le savais pas (encore).
Cela ne m’avait pas effleuré à vrai dire, je pensais, naïvement, que la peinture était un don, bien avant d’être une question de pratique, avant d’être un cheminement.
J’ai donc passé quelques années à faire de la peinture, en n’étant jamais satisfaite de quoi que ce soit, parce que mes « œuvres » (j’ai encore de la difficulté à les nommer comme telles) étaient trop grossières à mes yeux, pas assez abouties, je voulais de la précision, une jolie lumière, une composition équilibrée.
Je recherchais une perfection dont je n’étais pas capable.
Qui même, peut être, n’aurait pas servi ce que je voulais montrer (mais ça, c’est un autre débat).
Et pendant toutes ces années de pratique, à ramener à la maison je ne sais combien de peintures, de fusains, de sanguines et autres croquis, j’ai été frustrée du résultat, ne prenant même pas garde à prendre du plaisir, ne serait-ce qu’un petit peu, pendant le processus.
Peu à peu c’était presque devenu une obsession, le résultat, cette volonté d’être une digne représentante de la peinture classique.
J’ai eu beau avoir des retours positifs, et même, rarement, quelques productions qui trouvaient grâce à mes yeux (je ne m’en rappelle que de deux, un chien devant une cheminée, exécuté au couteau, et un paysage fleuri avec un ruisseau et un petit pont), je n’étais pas contente de moi, je n’étais pas digne, je n’étais pas un vrai peintre.
Je m’étais enfermée moi-même dans une espèce de compétition stérile vers un idéal qui m’était alors inatteignable.
J’avais même honte quand mes parents accrochaient mes dessins et peintures, parce que je ne voyais que leurs défauts. Il ne me serait d’ailleurs pas venu à l’idée, à l’époque, même s’il y avait eu la possibilité, de montrer mes productions à des inconnus (et parfois je me censure encore).
Et puis il y a eu la grosse coupure, l’absence de production de quoi que ce soit, avec toujours, tapi quelque part, cette volonté de perfection.
Il y a quelques années j’ai pris quelques cours du soir aux Beaux-Arts, et je me suis retrouvée confrontée à cet idéal. Et en fait, c’est au contact des autres, qui voyaient le même modèle que moi et avaient la même consigne, que j’ai commencé à comprendre que l’important c’est de faire et d’apprécier ce que l’on fait.
Parce que nous ne rendions pas compte de la même manière des choses, mais que tout, TOUT ce que j’ai vu, était intéressant, était joli, avait de la personnalité, du caractère et de la sensibilité artistique.
Tout.
Et là je me suis dit que peut être que le résultat ne sera pas à la hauteur des espérances, peut être que le procédé ne correspondra pas à ce que l’on veut produire…
Mais qu’importe.
Finalement c’est le processus, le plaisir qu’on y prend, la découverte de l’artiste que nous sommes qui a sans doute plus de sens. J’ai compris cela « tard » (en lisant le livre de Cat Bennett, que je feuillette encore avec énormément de plaisir) et j’ai encore de la difficulté avec cette histoire de perfection qui s’est maintenant mué en « de toute façon tu n’es pas capable d’arriver à ce résultat ».
Ce qui est complètement faux, si je passais des heures sur le même projet, je suis sure, même si cela devait prendre des années, que je pourrais y arriver.
Sure.
Mais, actuellement, je n’ai pas envie de ça. J’ai envie simplement de me réapproprier mes pinceaux, de passer une heure à poser de la couleur, pour voir ce que cela donne, ce qu’il est possible, ce qui est intéressant.
Même avec deux pinceaux pourraves, une palette en plastique, de la peinture acrylique bon marché et des supports qui ne sont pas plus professionnels que cela.
Et ça se passe bien. J’ai eu quelques mois de passage à vide en termes de dessin et de peinture, notamment parce que je faisais autre chose (du crochet), et puis là c’est revenu cette envie de jouer avec de la couleur, des crayons, des feutres et autres.
Hier soir c’était acrylique en jaune, bleu et blanc, ce week-end c’était aquarelle et feutres, qui sait ce que ce sera ensuite ?
Je ne serais peut être pas (enfin pas à court terme) (quoique, qui sait…) l’artiste à temps plein que je voulais être, sans doute qu’il y a des choses que je produis qui sont moins belles que d’autres…
Mais je m’amuse et je prends du plaisir.
C’est le principal.
Bonne journée !