L’attente m’a paru longue presque interminable. J’ai échafaudé des milliers de scénarios dans ma tête. J’ai stressé de ne pas voir la liste des fournitures arriver, de ne pas réussir à joindre un interlocuteur pour me renseigner à ce sujet.
Et puis jeudi, j’ai pris le bus. J’étais un peu en avance, alors sur la route, j’ai acheté un cahier et un critérium pour prendre des notes et dessiner. Je suis arrivée aux Beaux-Arts, j’ai demandé mon chemin, ce qui ne m’a pas empêché de m’égarer. Puis j’ai croisé une jeune fille, je lui ai demandé si elle cherchait le même endroit que moi, on a trouvé un petit groupe, on les a suivis. On a traversé des salles immenses pour atteindre la n°110. Les tables étaient disposées en U, il y avait des tabourets, quelques personnes et la professeure.
Peu à peu, la salle s’est remplie. Des personnes de tout âge, avec des objectifs différents ont pris place. Beaucoup de femmes, peu d’hommes. Que des gens très respectueux, humbles dans leur pratique et empathiques. Tout le monde se regarde, échange quelques mots, des sourires. Je m’apaise.
La prof commence à parler, tout le monde se tait, attrape son cahier ou une feuille, un stylo pour noter. Aujourd’hui, c’est présentation du programme de cours pour l’année. Quelles techniques seront abordées, comment les cours s’articulent et se complètent, quel est le matériel nécessaire pour demain, la semaine prochaine…
Il est 20h, je suis lessivée mais enthousiaste, je rentre chez moi. Demain, il faut apporter des feutres et du papier, on commence sur les chapeaux de roues.
Vendredi, je prends donc mes feutres et quelques feuilles, le cahier et le critérium. J’arrive à l’heure, je retrouve mes compagnons de jeux, je me rassois rentre les deux petites jeunes, comme la veille. J’ai un peu peur. Aujourd’hui, il y a un modèle.
Comment faire pour produire quelque chose de potable ? Voilà 12 ans que je n’ai pas touché un crayon ou presque. Je n’ai jamais fait cet exercice. Je suis anxieuse. Et puis je respire, je relativise : je suis là pour apprendre, pour m’amuser. Rien d’autre. Je n’ai rien à prouver à personne.
La prof nous donne quelques conseils : bien regarder le modèle, faire des gestes amples, ne pas s’attarder sur les détails. Je prends une grande inspiration, je pose le feutre sur le papier. J’essaie de m’appliquer. Les poses s’enchaînent, les exercices aussi. Petit à petit, je lâche du lest, je m’amuse vraiment.
Parfois les proportions ne sont pas justes, parfois je m’arrête avant la fin du temps, parfois je ne suis pas satisfaite. A un moment, une des petites jeunes me demande si je suis vraiment débutante « parce que tu touches quand même, c’est chouette ce que tu fais ! ». Du coup, le dessin d’après est moins bon, l’orgueil a pris trop de place.
Plus tard, la professeure me dira de faire des dessins plus grands, de prendre toute la feuille. Elle ajoute que c’est pas mal, que je dois essayer de faire des gestes plus amples. Alors je souris, je me laisse prendre au jeu, je change de place, je dessine debout, je ne suis plus gênée de regarder si fixement le modèle, j’utilise une vingtaine de feuilles.
Il est 20 heures, je suis euphorique. On range la salle, chacun remballe ses affaires. On échange quelques mots devant l’école, puis chacun repart vers chez soi.
Une fois rentrée chez moi, je regarde mes dessins. Je suis contente, je me suis beaucoup amusée. Je n’ai pas honte de ce que je vois. Cela faisait très longtemps qu’une activité ne m’avait pas autant plu.
Aujourd’hui, je suis allée chercher quelques fournitures. Jeudi, on commencera à utiliser de l’acrylique. Et vendredi, encore une session avec un modèle.
Vivement la semaine prochaine !