Dimanche, l’amie June est venue me faire un petit coucou. A chaque fois qu’elle me fait le coup cela me parait complètement fou qu’elle fasse autant de route pour venir me voir, et pourtant à chaque fois je trépigne comme une gamine. Et à chaque fois c’est un moment de pur bonheur sans nom.
Voilà 5 ans bientôt que j’habite dans la Ville Rose et en 5 ans j’ai bien eu du mal à rencontrer des gens avec qui nouer de vraies amitiés. En fait, il n’y a pas grand monde avec qui je me sente en confiance ici. J’ai bien des amis, mais ils sont le reflet de ma vie : éparpillés un peu partout en France, voire même plus loin. Alors forcément on ne se voit pas souvent, c’est dommage, moi j’aimerais bien pouvoir me téléporter quelques minutes pour leur faire un câlin ou partager une bonne conversation autour d’une boisson réconfortante. Parce qu’il y a des moments dans la vie où tu n’as pas envie de parler de bêtises avec quelqu’un qui a bien voulu t’accorder quelques heures, mais où tu as besoin d’aborder des choses concrètes, de sentir une épaule, d’aller en profondeur. Moi la superficialité parfois ça me tue, je veux autre chose, du vrai partage, du vrai échange, de la vraie relation où tu mets les mains dans le cambouis, où tu t’investis et que tu n’as pas honte de mettre tes tripes sur la table même si parfois c’est pas très ragoûtant, parce que finalement c’est ça qu’on te demande : de l’engagement. Non, je ne parle pas de mariage.
Du coup quand je vois ces êtres chers à mon cœur, je m’active, je me pose 3 milliards de questions, je fais le ménage de fond en comble (mais ça c’est bien pour l’appartement, il est content), je mets 20 plombes pour choisir comment je vais me maquiller (alors qu’au final je vais juste faire un halo de fard à paupières avec une lichette de mascara, mais ça valait le coup de se poser la question pendant 15 minutes au moins), je change 3 fois de paires de chaussures, je me recoiffe frénétiquement. C’est presque comme un rendez-vous galant sans la galanterie et le jeu de séduction, mais toujours cette envie de passer le meilleur moment qui existe et de graver ça dans ma petite tête et mon gros cœur qui déborde (plutôt que les trucs énervants habituels, c’est mieux). En fait moi je trouve ça 1000 fois mieux que les rendez-vous galants, mais c’est peut être parce que ça fait un bail que j’ai pas pratiqué aussi.
Dimanche on s’est retrouvées à 12h45, et puis on a commencé à se balader un peu, en se demandant où on allait bien pouvoir déjeuner, elle se reposant sur mes bonnes adresses, moi ayant comme par hasard aucune idée fulgurante. Le seul truc auquel j’ai pensé, c’était qu’on pouvait bien se balader et qu’on entrerait là où ça nous tenterait. De là vous pouvez imaginer le niveau de confiance que je peux avoir en June pour ne pas prévoir une semaine à l’avance où je vais manger en ville, et à quel point elle m’apaise cette fille (je sais, je le dis à chaque fois, mais c’est vrai). Bon bien sûr j’ai fait 125 fois dans ma tête la liste de tous les établissements que je connaissais pour être sûre de ne rien avoir de transcendant à proposer, mais non, vraiment, j’avais rien.
Damned.
Ainsi on a arpenté plusieurs rues, c’était marrant de ne voir personne d’ailleurs, Toulouse a un côté assez ville vide le dimanche (surtout après les fêtes et quand il fait moyen chaud à l’ombre), mais c’était bien et pratique, et ça nous a permis d’attaquer la conversation par des banalités, comme un petit échauffement avant les vraies conversations, certaines profondes et d’autres plus superficielles, qui allaient suivre. Vous avez remarqué comme on commence toujours par des trucs du genre « et alors toi la reprise du boulot ça a été ? Vous avez beau temps là bas ? Oh nous ici, on a eu un vendredi pourri, que de la flotte c’était insupportable », etc. ? C’est un peu comme si il fallait s’assurer qu’on était bien avec la bonne personne, ou qu’on ait trouvé le bon endroit pour parler et ouvrir un peu cette carapace plus ou moins épaisse qu’on a tous. Moi je vous le dis d’emblée, c’est un château fort que j’ai, mais quand je suis disposée j’abaisse le bon pont-levis (oui parce qu’il y en a qui mènent à rien, c’est mon côté un brin joueur mais surtout faussement décontracté pour parler de tout) (alors qu’en fait je ne parle de rien d’important pour moi) (c’est que je ne m’offre pas à n’importe qui vous voyez).
Et puis au bout d’un moment, comme une petite étincelle chez un artificier, la petite question qui sort l’air de rien et qui pourtant va nous emmener vers des sujets plus intimes, vers les doutes, les questions, les petites joies du quotidien qu’on ne partage qu’avec les Amis, qu’on ne distille qu’aux plus précieux, aux plus compréhensifs. Dimanche, la question a été : « Et alors tes projets, ça avance ? Tu en es où ? ». Ou un truc du genre. Mais ça posait la question des projets en cours. Et quand on commence à parler des projets en cours, là, ça rigole plus, on attaque les sujets sensibles vous voyez.
Parce que bien entendu, l’amie June est au courant des projets en cours, elle suit de plus ou moins loin, et comme c’est un peu sa came tout ça, tu sais que tu vas pouvoir lui en parler, qu’elle va te comprendre, te dire ce qui va t’apaiser et te redonner confiance, et surtout, surtout, elle ne te jugera pas. Elle elle bégaie parce qu’elle est fatiguée, toi tu t’emballes (tu es fatiguée aussi) et du coup les mots ne sortent pas dans le bon ordre, d’ailleurs parfois ce ne sont pas les bon mots qui sortent, parfois il n’y a rien et tu cherches celui qui s’est perdu dans les méandres de tes neurones et qui pourtant, s’il voulait bien se manifester, te rendrait un fier service.
La jambe qui tremblotte parce que c’est le sujet sur lequel tu cogites depuis des jours, que ça a de l’importance pour toi. Et puis il y a un moment il faut vraiment y aller, aborder ce qui te taraude, en la regardant du coin de l’œil parce que si tu la regardes tout droit dans les yeux tu n’es pas sûr d’arriver à la dire cette phrase qui est coincée dans la gorge, elle qui te sourit avec un sourire doux, qui sait à peu près ce que tu vas lui dire parce qu’elle est déjà passée par là, et qui attend juste que ce soit le bon moment pour toi. A ce moment là on est sur un banc au soleil en face de la Garonne, on attend qu’une place se libère là où on a décidé de manger, je débite un flot de paroles qui me fait peur à moi-même tellement il y a mon angoisse qui transparaît (j’ai du dire au moins 3 fois le mot « angoisse » en 15 minutes, si ça se trouve je l’ai dit 3 fois dans la même phrase en plus), et June est juste bienveillante et calme, elle me donne des conseils qui m’apaiseront : la décision c’est moi qui la prendrai, mais elle m’a donné des petits seaux d’eau à apporter à mon moulin, des idées et on verra bien ce que ça donne dans ma tête.
Soyons honnêtes, c’est toujours quand on est assis qu’on aborde des sujets importants, qu’on accepte d’en dévoiler un peu, de demander à l’autre son avis. Ainsi en vrac on a parlé des projets en cours des deux côtés, avec leurs doutes et questionnements respectifs, je lui ai dit que si elle voulait venir quand j’étais pas là je lui laisserais les clés de mon appart, pas de soucis, elle m’a dit la même chose pour le sien, et l’espace d’une fraction de seconde je me suis dit que pour que je lui propose mes clés c’est que je lui faisais vraiment confiance (mon ex, il a pas eu les clés de chez moi si facilement), mais je lui ai pas dit, déjà que je me trouve gnangnan, mais bon j’étais émue quoi.
Et puis moi qui ai toujours tendance à me comparer aux autres et à trouver ma vie naze, ben en fait je me suis rendue compte que non, et que je me faisais sans doute des idées qui n’avaient pas lieu d’être. Toute ma vie j’ai cru que les gens ils avaient une vie mégatop alors que moi je ramais comme une imbécile à contre-courant, que j’étais juste une bonne à rien qui n’avait rien fait de sa vie, mais non, c’est juste une vue tordue de mon esprit qui a juste décidé de m’embêter. En plus des projets en cours on a donc parlé de nos vies, de nos expériences, et je trouve toujours que June elle s’en sort vachement bien, que je suis fière d’elle (alors que j’y suis pour rien, mais je suis gavé fière de l’avoir à mes cotés en fait) et qu’elle est méga courageuse, débrouillarde et tout ça, mais à la fin je me sentais moins moisie que quand je suis arrivée.
Et puis au bout d’un moment ça va mieux, l’esprit est un peu plus apaisé, le ventre bien plus rempli, c’est l’heure du dessert et tu gagates devant le babycat de June, tu parles avec des trémolos dans la voix de feu ton petit bout de chat, mais non je suis pas émue, c’est le pancake que j’avale de travers, il est quand même charmant ce serveur, oui, mais chut rigole pas si fort, mais toi aussi tu rigoles, vraiment t’es pas sortable, etc., etc.
Bref, on se détend, on rit, on n’arrive pas à finir alors on prend à emporter, et puis il y a une grosse heure à passer encore ensemble, bien entendu il commence à pleuvoir. Et June elle aime bien les jolies architectures, alors je lui ai fait faire un petit tour dans la ville, en lui montrant des trucs que moi même j’avais pas vu (genre un bâtiment avec de jolies fenêtres du côté des Carmes), en m’étonnant de finalement si bien m’en sortir dans les différentes rues, et en pensant, alors qu’elle me disait qu’elle ne se rappelait pas du tout de Toulouse comme cela, que moi non plus, en fait, je ne l’avais appréhendée comme cela. Je m’étais déjà fait la réflexion quand je vivais à Montréal, mais en fait on ne regarde pas les villes où l’on vit. Ou tout du moins pas avec le regard d’un visiteur qui peut s’émerveiller de tout et de n’importe quoi, depuis la façade d’un bâtiment en mosaïque jusqu’à un lampadaire un peu vieillot mais franchement mimi.
On s’est quittées à la médiathèque, toutes guillerettes de notre journée, je suis montée dans mon bus, bien entendu je me suis payée une dame complètement bourrée à côté de moi qui faisait des trucs bizarres (un jour, je vous expliquerai pourquoi les gens saouls me répugnent) (pardon mais c’est viscéral), j’ai subi tout le trajet et j’étais contente de rentrer chez moi.
C’était déjà fini, c’était bien, on refait ça quand tu veux.
Bonne journée !
PS : Nous avons donc pris un brunch à L’appart (mais moi de loin j’avais lu Léopard, je comprenais pas trop pourquoi ça s’appelait comme ça, j’ai compris une fois à l’intérieur quand j’ai réussi à lire l’enseigne), un brunch nord américain à 17 € avec : un scone (+ beurre + confiture de fraises), un jus d’orange pressé, une boisson chaude, un plat + un accompagnement (au choix œufs brouillés bacon ou bagel bacon avec soit salade, soit soupe), un pancake (sirop d’érable ou caramel beurre salé) et une petite part de gâteau au choix. Le lieu est sympa et petit, essayez d’éviter la table à côté de la porte si vous êtes sensibles au froid. Le service est un peu long (il y avait beaucoup de monde), cela ne nous a pas dérangées, mais si vous êtes pressés ce n’est pas forcément une bonne option.
L’appart
9 Rue Jean Suau, Toulouse
Téléphone : 05 61 21 78 71