(A vos souhaits !)
Habituellement, j’évite de parler des livres qu’on appelle des classiques que je peux lire, quand bien même ils m’auraient plu. La raison en est toute simple, presque facile : si ce sont des classiques, qu’est-ce que mon avis apporterait en plus alors que l’œuvre jouit déjà d’une réputation monumentale ?
Jusqu’aux 80% des frères Karamazov de Dostoïevski, je pensais que je ferais comme d’habitude, je n’en parlerais pas. Ce sont les dernières pages qui m’ont décidée : tant pis, même si ça n’apporte rien de plus à la réputation du roman (considéré comme un des plus grands chefs d’œuvre de la littérature mondiale quand même), si j’arrive à convaincre, ne serait-ce qu’une personne de lire ce livre et qu’elle l’apprécie, ce sera une belle victoire.
Les frères Karamazov c’est l’histoire d’un père, Fiodor Pavlovitch Karamazov, homme sans principes, dur, vulgaire, marié deux fois et aujourd’hui veuf, qui a trois enfants légitimes (Dmitri, Ivan et Alexei) et probablement un illégitime (Smerdiakov, qui est domestique et cuisinier de Fiodor Pavlovitch).
Chacun des trois fils est une incarnation des idéaux types de la Russie de l’époque : Dmitri est un homme passionné, voire impétueux, constamment tiraillé entre le vice et la vertu (représentation de « l’homme russe » selon Dostoïevski) ; Ivan est un intellectuel, philosophe, matérialiste aussi, qui ne croit pas en l’existence de Dieu ; Alexei, quant à lui, est un homme de foi, qui fait son apprentissage dans un premier temps auprès du starets Zosime qui l’enverra peu avant sa mort « se mêler au monde ».
L’ensemble de l’œuvre tourne autour d’un événement : le parricide. En effet, alors que les relations entre Fiodor Pavlovitch et ses fils sont compliquées, il est un soir retrouvé mort, vraisemblablement tué par un de ses fils pour une présumée affaire d’argent et de rivalité amoureuse…
Je n’en dirai pas plus sur l’histoire pour ne pas trop en dévoiler et vous laisser découvrir toutes les pièces du puzzle, En tout cas, vous devez vous en douter, j’ai trouvé ce roman absolument passionnant. Les protagonistes sont bien fouillés, leurs relations sont parfois étonnantes, chacun a sa manière propre de s’exprimer (les polonais sont assez rigolos dans ce registre), le rythme de l’histoire est plaisant, il y a aussi des histoires dans l’histoire et pas une seule fois je ne me suis ennuyée. Pourtant, quand même, il faut bien l’avouer, il n’y a pas un suspense insoutenable (on se doute de qui va se faire accuser du parricide rapidement), mais je sais pas, je me suis prise au jeu, au fur et à mesure des pages il y a des zones de flou qui apparaissent dont on attend l’éclaircissement. J’ai bien aimé le narrateur omniscient, qui relate à la fois les événements et commente régulièrement avec ses idées et états d’âmes qui viennent apporter encore plus de profondeur au récit, comme par exemple dans cet extrait :
Le bourbier où il s’était enlisé volontairement lui faisait horreur et, comme beaucoup en pareil cas, il comptait surtout sur le changement de milieu : échapper à ces gens, aux circonstances, s’envoler de ce lieu maudit, ce serait la rénovation complète, l’existence transformée.
Et puis cette vivacité dans le discours, le lyrisme presque, ces personnages fougueux sont à la fois intéressants et pour certains attachants, tout cela concourt à tout le bien que je pense de ce livre.
N’écoutez pas votre première impression qui pourrait vous faire croire que c’est un gros pavé rébarbatif voire difficile d’accès : au contraire, c’est une épopée dans une famille russe, un déchirement entre la folie, le vice, la vertu, la raison, la foi, l’athéisme, une bataille familiale, un combat d’orateurs, un rythme saisissant.
Un chef d’œuvre, incontestablement, que je conseille aux amateurs du genre.
Bonne journée !
PS : Pour ceux que cela intéresse, j’ai lu l’oeuvre sur Kindle, et c’est très confortable pour lire, même un ouvrage de cette taille (mais je suis entraînée, j’avais déjà lu Guerre et Paix sur le Kindle) ! Et puis qu’est-ce que c’est pratique dans les transports en commun !